Arpenter l’Ouest

«Hors de question que mon fils fasse son gymnase avec la racaille de l’Ouest lausannois !»

Le 26 août 2013, jour de rentrée scolaire dans le canton de Vaud, le quotidien Le Temps publiait un article intitulé Mettre mon enfant dans cette école? signé Yelmarc Roulet. Citons le chapeau de cet article.

« La mixité sociale a beau être un principe de l’école publique, certains parents tentent d’y faire échapper leurs enfants. Comment ces demandes sont-elles traitée ? En Suisse, la carte scolaire tient bon. »

IMG_1567En Suisse, la carte scolaire tient bon, c’est-à-dire que les directrices et directeurs refusent en général des demandes de changement d’établissement. L’article cite un extrait d’une lettre de parent à un directeur de gymnase: «Hors de question que mon fils fasse son gymnase avec la racaille de l’Ouest lausannois !» Le directeur précise que de telles formulations sont exceptionelles.

Si la virulence de cette dernière citation m’a tout de même surpris, la représentation des jeunes de l’Ouest lausannois qu’elle révèle ne m’a pas étonné. J’habite à Renens depuis dix-huit ans, et je me suis habitué à entendre ces clichés négatifs sur l’Ouest lausannois, sur Renens en particulier. Parfois j’en ris, parfois ils me navrent, parfois j’en joue, parfois je fais comme si je ne les entendais pas.

Il n’empêche que la persistance de ces représentations négatives me questionne, de même que leurs origines.

IMG_1566Il y a plus de dix ans, j’ai eu une discussion avec un retraité, un samedi matin sur la place du Marché de Renens. Voici ce qu’il me disait en substance. « Ceux qui se plaignent de la violence de Renens me font bien rigoler. Ils auraient dû voir à l’époque comme ça se passait autour de la gare de Renens le soir : prostitution, bagarres entre ouvriers ivres, souvent des Fribourgeois, ah ces Fribourgeois ! Aujourd’hui c’est calme ! »

Je n’ai jamais revu ce monsieur, mais je le cherche, j’aimerais bien lui parler encore.

Les Fribourgeois seraient donc parmi les premiers étrangers de l’Ouest lausannois, ces étrangers que l’on charge de tous les maux et qui font la mauvaise réputation d’un lieu ? Pourtant ils ne venaient pas de très loin, parlaient le français, étaient du même pays. C’est vrai que dans ce pays, jusqu’au milieu du siècle passé, lorsque l’on recensait la population d’une commune on faisait trois catégories, voire plus: les bourgeois -originaires de la commune-, les confédérés et les étrangers. Et ces confédérés de Fribourg étaient catholiques, avaient des familles nombreuses qu’ils peinaient à nourrir, buvaient trop, étaient peu éduqués, superstitieux, etc. Et ils restaient entre eux, comme en témoigne cette vitrine d’une salle de la Maison du peuple de Renens, vitrine dédiée au Cercle des Fribourgeois de Renens.

Dans cette rubrique les représentations d’un territoire, je vais m’attacher à mieux comprendre ces représentations négatives, leurs origines et leur persistance.

Je chercherai également à savoir ce qui est mis en oeuvre pour lutter contrer ces représentations. Et j’espère que l’on ne me répondra pas:  mais la gentrification, mon bon Monsieur ! (cf. article Renens, rue de l’Avenir)

 

 

 

 

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