C’est en débouchant de la forêt que le promeneur des Biondes s’est exclamé : « Qu’est-ce qui s’est passé ici?! » Il lui a été répondu qu’il était face à un bassin d’écrêtage. On aurait pu lui dire aussi bassin de rétention, zone inondable ou R8 ≅ 6 bassins olympiques.
Ce blog n’étant pas un dictionnaire de synonymes, essayons avant tout de comprendre ces lieux, leur genèse, leur localisation et leur fonction.
Au début des années quatre-vingts, lorsque le promeneur des Biondes venait jouer ici, il n’y avait point de digue et la Mèbre coulait sans discontinuer au milieu d’un cordon forestier. Les vingt et une communes du bassin-versant* Mèbre-Sorge, appelé aussi bassin-versant de la Chamberonne, comptaient environ 193’000 habitants.** Au début des années 2000, lorsque ce bassin a été réalisé, il y avait près de 206’000 habitants, et fin 2013, plus de 250’000. En plus de trente ans, l’urbanisation a fortement progressé dans ce bassin-versant, on a bâti des logements, des routes d’accès, des bâtiments scolaires, des surfaces commerciales, des parkings, etc. En bref, cette urbanisation a produit des surfaces imperméables et l’eau, ne pouvant plus s’infiltrer, ruisselle vers les rivières. La Mèbre et la Sorge doivent donc évacuer davantage d’eau en cas de pluie; les crues*** sont donc plus importantes qu’auparavant et peuvent provoquer des inondations. On a donc aménagé des bassins de rétention le long de ces cours d’eau, en amont des zones les plus menacées. En cas de fortes crues, le débit du cours d’eau est réglé par la « fenêtre » de la digue et le surplus va s’accumuler dans la zone inondable (cf. video). Cette eau s’évacue naturellement lorsque les précipitations diminuent. Voilà ce qui s’est passé.
Un autre élément augmente ces pics de crues, la mise en séparatif des eaux claires**** et des eaux usées. Avec l’urbanisation, les stations d’épuration des eaux (STEP) doivent traiter de plus en plus d’eaux usées. Si les eaux claires, en principe non polluées, parviennent à une STEP, elles la surchargent inutilement et diminuent son efficacité. A ce jour, la plupart des eaux claires ne sont donc plus évacuées par les égoûts, mais par un réseau séparé qui les amène directement dans les rivières, lesquelles ont donc encore plus d’eau à évacuer.
L’accélération du cycle de l’eau dû au réchauffement climatique n’arrange pas les choses, mais nous n’en parlerons pas ici.
Pour mieux vous rendre compte du fonctionnement d’une zone inondable, visionnez En cas de fortes pluies… sur vimeo. Ces images ont été prises dans l’urgence le 24 juillet 2014, à l’endroit même où nous sommes passés avec le promeneur des Biondes. Pour les techniciens, ce bassin répond au doux nom de R8 et a une capacité de stockage de 14’650 m³, soit l’équivalent d’environ six bassins olympiques. En saison, Crissier a donc une belle piscine.
(Pour rappel, un mètre cube équivaut à mille litres).
La video est ici.
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Définitions, sources et documents permettant d’approfondir le sujet
*Bassin-versant ou bassin d’alimentation ou bassin hydrographique : espace géographique alimentant un cours d’eau et drainé par lui. La bassin-versant a pour axe le cours d’eau principal et pour limite la ligne de partage des eaux le séparant des bassins-versants adjacents. Son action hydrologique dépend de son étendue, de sa topographie, de ses sols et de leur couverture végétale, de sa structure géologique, de l’organisation du réseau hydrographique qui le draine et bien sûr du climat qui l’affecte. (Dictionnaire de la géographie, dir. Pierre George et Fernand Verger, éd. Quadrige / PUF, Paris, 2009)
**Sources Statistique Vaud, fiches communales recensement fédéral de la population 2000, population résidante des communes, Vaud, 1900-2013 et Modèle hydrologique de prévision de débit pour le bassin-versant de la Chamberonne, p. 13. N.B. Le total des habitants ne coïncide pas avec le total des habitants connectés au bassin-versant de la Chamberonne; certains habitants de ces communes, dont un grand nombre de lausannois, sont connectés à des bassins-versants-adjacents. Néanmoins, l’urbanisation de ces communes est directement liée à l’augmentation des crues du bassin-versant.
***Crue : période de montée du niveau des eaux dans un cours d’eau. Crue d’averse : crue provoquée par des pluies intenses sur un bassin-versant imperméable ou imperméabilisé et où l’eau ruisselle directement sur les versants jusqu’à la rivière. (Dictionnaire de la géographie, dir. Pierre George et Fernand Verger, éd. Quadrige / PUF, Paris, 2009)
****Définitions eaux usées / eaux claires, séparation des eaux, dispositions légales.
Les documents suivants ont également été utilisés pour rédiger cet article et permettront au lecteur qui le souhaite d’approfondir le sujet :
1) Mebre-Sorge Boss&ass. SA
2) Modèle hydrologique de prévision de débit pour le bassin versant de la Chamberonne.