Bureau de campagne
Planté au milieu du paysage, j’écris dans un carnet,
Mais aussi sur un bloc.
Un bloc à quai qui me sert de bureau,
Vilain bureau en ciment, façon poudingue.
Gare au bureau, bureau pas beau!
Mais qui m’offre de vastes perspectives et me rend doux dingue.
Chaque fois que j’y travaille, il me fait tourner la tête,
A l’ouest, pour scruter la ligne du Jura, derrière un pont d’azur,
Au nord, pour me souvenir de murs chers à mon coeur,
A l’est, pour saliver devant la table dressée dans le Pré des Alpes,
Au sud, pour deviner la Karl-Marx Allee locale, qui divise à sa façon.
Ce bloc m’offre aussi ses belles dimensions,
Presque deux mètres carrés, estime ma réglette,
Et encore plus de mètres cubes.
J’y étale cartes, plans et papiers de toutes sortes,
Sans oublier mes coudes, de peur qu’ils ne s’envolent.
Et quand cela ne suffit pas, j’ajoute des morceaux de ballast,
Car les trains, qui pourtant ne volent pas,
Ne se gênent pas de passer en coup de vent dans mon bureau.
« Notre bloc! » sifflent-ils en prenant la tangente.
Je salue quand même leurs cheminots,
Et tous me répondent, mais chacun à sa façon.
Ici, je ne viens pas chercher le calme, mais le bruit de la ville,
Les signatures sonores d’un territoire, dont une à nulle autre pareille.
Pour accéder à ce bureau, il faut franchir une ligne blanche.
De l’autre côté, il y a le rouge des colères de M. Schweizer,
Le bleu des yeux de Valentine, le blanc de la tignasse d’Anselme,
Mais surtout les couleurs du fer et du bois,
Comme pour mettre des bâtons dans les roues.
Mon bureau est le bloc d’un cul-de-sac, mais il est relié au Monde,
Chacun peut le trouver et lui inventer un usage.